The Transat CIC : mon débrief depuis New-York !
ON L'A FAIT et on l'a même TRES BIEN fait. Au terme de 12 jours de mer je finis à la 4e place de cette course mythique. "Wow, amazing !" comme on dit ici !
L’histoire se finit par un débouché de champagne sur un ponton à Brooklyn. Mais rembobinons de quelques jours en arrière, parce qu’aller à New York en solitaire en bateau à voile, c’est pas tout à fait comme prendre l’avion !
Une course incroyablement difficile



Je vous avais dressé un portrait robot assez terrifiant de cette course. Et bien je n’étais pas très loin de la vérité ! Sur 13 bateaux au départ, seuls 7 Class40 sont arrivés (et un 8e bateau est encore en mer). Le froid glacial, le brouillard, le vent, les vagues, les courants contraires : on a eu droit au package “all-inclusive” !
Pour être totalement honnête on a quand même échappé au pire : on a finalement fait relativement peu de près (quand le vent vient de face) et la course a été plutôt très rapide sur des allures de vent portant (mais du coup … très engagée !).
Avec le recul, j’ai vécu cette course en 3 temps :
Une première partie où, pendant 3 jours, j’étais “on fire” comme on dit ici ! Je suis allé hyper vite, et au bon endroit. Dès la bouée de dégagement je me hisse en toute tête de flotte ! Ca m’a même fait un peu bizarre, mais je veux bien commencer à m’habituer à ça!
Un tronçon au milieu dans des conditions trèèès musclées au portant. Rétrospectivement, c’est là où la course s’est jouée. J’ai fait mon maximum mais après une série de sorties de routes sous spi dans 25-30 nœuds de vent j’ai fini par lever le pied pour préserver mon bateau et assurer le coup, me résignant ainsi à laisser les 3 premiers s’échapper devant.
Une fin de course passionnante, où j’ai pris énormément de plaisir à gérer les systèmes météo qui s’enchaînaient presque toutes les 12 heures. Entre nous, j’ai vraiment l’impression d’avoir super bien navigué et beaucoup progressé. Malgré tous mes efforts, je n’ai jamais eu l’occasion de renouer avec les premiers (même si j’y ai parfois cru!). Je finis 2 petites heures derrière Fabien Delahaye, 4 heures derrière Ian Lipinski et 6 heures derrière Ambrogio Beccaria (contre qui je me casse les dents depuis maintenant 6 ans…).
Voici mes premières réactions à l’arrivée au ponton :
Des soucis techniques à gérer
Une traversée de l’Atlantique nord en solitaire n’est pas un long fleuve tranquille. Comme sur un Vendée Globe, les soucis techniques sont inéluctables et leur gestion constitue une partie intégrante de la course.
A ce jeu je n’ai pas été épargné !


Au 3e jour de course, alors que nous étions au vent de travers sur des allures rapides face à la mer, au large de l'Irlande, j’entends un énorme CRAC dans un atterrissage de vague. Je comprends qu’il s’est passé un truc et en cherchant je constate une fissure dans un raidisseur longitudinal de coque. J’avais fait renforcer ceux à l’avant du bateau cet hiver, mais c’est plus en arrière que cela a fissuré.
Sur conseils de Paul, Léo, Eric du cabinet Lombard et Gautier du chantier Gepeto je passe donc une demi-journée à poncer, découper et coller des plaques de fibre de verre pour constituer une attelle. Cela a fait de la poussière partout dans le bateau, je me suis mis de la résine partout sur mon ciré, c’était un peu un carnage ! J’ai ensuite passé la course à surveiller la réparation, qui a heureusement tenu.
J’ai aussi eu des problèmes de Grand-Voile. Lors d’un empannage j’ai cassé 2 lattes (ce sont des sortes d’armatures qui servent à donner une forme à la voile). Impossible de continuer sans réparer : j’ai donc affalé complètement (et en solitaire au portant dans 20 nœuds de vent c’est un supplice qui dure presque 1 heure). Heureusement j’avais soigneusement préparé des lattes de rechange à la bonne taille avec les bons embouts, et l’opération n’a pris qu’une heure et demie au total.
Le lendemain, pour préparer un coup de vent en approche, je réduis la voilure en passant du spi au gennaker et en prenant 2 ris dans la grand voile. Epuisé par cette double manœuvre, j’attrape une gourde d’eau et je lève la tête pour la boire intégralement.
Et là, je vois une fissure de 50cm dans ma Grand-Voile qui ne demande qu’à s’agrandir ! En sueur, et alors que je pensais pouvoir enfin me reposer, je vois que j’ai moins d’une heure pour réparer avant que le vent ne rentre. Illico presto, sous la pluie, je découpe et colle rapidement 2 patchs recto/verso dans la voile en espérant que ça tienne. Et heureusement ça a tenu !
Au bout du dixième jour, mon pilote automatique m’affiche un message d’erreur. Autant il y a des messages d’erreur gentils qu’on sait comment adresser, autant là, c’était une erreur que je n’ai jamais eue avant. Je passe donc sur le pilote de secours que j’avais soigneusement testé et validé avant le départ. Et là, catastrophe, j'obtiens le même message d’erreur !
Aidé une nouvelle fois par des précieux conseils venant de la terre (merci Paul, Léo et Henri de nke) je me glisse dans le fond du tunnel de mon bateau vers les boitiers électriques du pilote. J’arrive à ouvrir une boite et repérer les câbles à couper et à re-brancher différemment. Petite angoisse au moment d’attraper la pince coupante ! Heureusement cela a fonctionné, mais à cet instant la course aurait pu prendre une toute autre tournure ! Car sans pilote automatique, un skipper solitaire n’est rien.
Je vous passe les poulies explosées, les taquets cassés, les bouts usés, ça, c’est le tout-venant !
Franchissement d’un cap
C’était ma 6e transatlantique et ma 4e en solitaire. Et bien ça n’avait rien à voir avec les autres fois ! De tout point de vue, c’est vraiment l’Atlantique par la face Nord. L’exercice fut très rude, mais l’avoir surmonté et qui-plus-est en ayant été leader de la flotte au début de course, ça m’a vraiment fait passer un cap. Ce n’est peut-être pas mon meilleur résultat, mais c’est assurément la copie rendue dont je suis le plus fier.
A l’arrivée j’ai reçu des messages de félicitations de la part de gens du milieu dont l’avis compte pour moi, et ça fait chaud au cœur ! Et ca donne confiance en soi. Pour la première fois j’ai l’impression d’avoir ma place parmi les autres marins autour de moi.
Cet instant coïncide avec la réception de mon premier prize-money en 10 ans de course au large, grâce à ma place de 4eme. Je tairai ici le montant, non pas parce qu’il est indécent, mais au contraire parce qu’il est presque symbolique ! Mais officiellement, ce chèque fait de moi un marin professionnel, et ça, ce n’est pas rien !
Une once de frustration … MAIS :

Je finis donc 4e de cette course mythique, qui est un véritable monument de la course au large. C’est moche, je sais que vous allez trouver ça nul, mais mon premier sentiment c’est bel et bien une énorme frustration de finir au pied du podium, et pour 2 heures uniquement ! Quel compétiteur ne saurait réagir autrement ?
Au moins, c’est simple. Je sais exactement comment j’aurais pu faire mieux : ne pas lever le pied dans la dépression et pousser le curseur du risque un peu plus loin. Mais aurait-ce été raisonnable ? Je me souviens très bien du moment où j’ai affalé mon spi de 140m2 dans 25-30 noeuds de vent dans une mer hachée. Face à la violence des plantés dans les vagues, j’ai vraiment eu l’impression de devoir choisir entre “arriver” et “gagner la course 10% du temps mais probablement tout casser 90% du temps”.
Et abandonner, quand vous vous retrouvez avec un bateau cassé à presque 4000 km de la maison, ce n’est pas tout à fait comme s’arrêter sur le bas-côté, appeler la dépanneuse, prendre un taxi et filer à la maison prendre sa douche !
C’était si important pour la suite du projet d’arriver à New York… Je ne regrette pas ma décision. Si on relançait les dés 10 fois je pense qu’une bonne partie du temps l’un des 3 bateaux devant ne serait pas arrivé au bout et m’aurait cédé sa place sur le podium. Et c'est souvent ça la course au large : ni plus ni moins que de la gestion du risque. Il n’empêche, sur cette course, Ambrogio, Ian et Fabien ont bel et bien réussi leur pari et on se doit de les féliciter, et très sincèrement. Et moi je suis droit dans mes bottes (trempées) à vous expliquer ma décision.
En résumé : oui, la frustration sportive est présente, mais elle est doublée d’une satisfaction énorme : celle d’avoir fait une super course et un super classement et par-dessus tout : JE SUIS BIEN ARRIVE A NEW YORK !

Life in the Big Apple
New-York : parlons-en ! Mais d’abord, quelques photos souvenirs :






Paul m’a rejoint ici et s’affaire à remettre le bateau en état pendant que je remets mon corps en route à base de sommeil, crème hydratante et quelques bières de “récupération”.
J’ai beau vous écrire ces lignes depuis une tour de Manhattan, je crois que je ne réalise toujours pas vraiment ce que j’ai accompli ! C’est tellement improbable que je profite de chaque instant. J’ai pris un plaisir fou à aller me promener comme un touriste - la dernière fois que je suis venu c’était lorsque j’étais étudiant à Boston il y a plus de 10 ans !
Hier nous avons profité d’un grand soleil pour embarquer l’équipe du Café Joyeux local pour une sortie devant Manhattan sur LEUR bateau. Un chouette moment de partage et de bonheur !



Et maintenant ?
A 500 euros la nuit au ponton, on va rapidement trouver un autre endroit où garer le bateau ! Je repars vendredi par la mer vers Portland, dans l’état du Maine. J’y amarrerai mon beau bateau jaune probablement dimanche, et Léo le rejoint sur place pour finir de le réparer. Après un aller-retour à la maison, on mettra ensuite ensemble les voiles vers Québec début juin, à temps pour prendre le départ de la Québec Saint Malo le 30 juin !
Ca va être une super course en équipage sur un terrain de jeu passionnant. J’ai hâte de vous dévoiler l’équipage de rockstars que j’ai constitué pour l’occasion !
Merci pour tous vos messages d’encouragement !
Speak soon !
Nico
Bravo Nico, je suis très impressionné par ta performance. Tu es sur le bon chemin pour le VG 2028. Je suis heureux pour toi .
Oncle Gauthier
Bravo Nico, je suis très impressionné par ta performance. Tu es sur le bon chemin pour le VG 2028. Je suis heureux pour toi .
Oncle Gauthier